Elle arrive tôt le matin, ses cheveux attachés en chignon, ou détachés et libres quand ils
sont encore humides... Son parfum n'a pas encore imprégné sa peau.
Elle monte discrètement au premier étage après avoir salué quelques collègues pour retrouver son siège gris et elle enlève son manteau (le noir ou le beige, selon l’humeur et le temps). Elle est si belle.
Dès huit heures quinze, elle est déjà partie à la recherche du livre que Sandra a emprunté, de la cassette qu’Andréa cherche depuis trois semaines et de l'article que Kamélia n'a pas encore rendu.
Toujours prête à aider, il lui arrive de faire des heures supplémentaires pour une recherche sur internet, de ne pas manger le mercredi midi et de tomber d'hypoglycémie quand elle rentre chez elle...
Elle pense aux autres avant de penser à elle. Elle se sacrifie pour ses élèves...
Elle est honnête, franche, mystérieuse, discrète... J'aime sa solitude.
Elle a toujours le sourire, même quand elle n'a pas le moral.

Tout au long de la journée, elle court partout, elle en fait des kilomètres... D'un groupe d'élèves à un seul élève perdu de vant l'écran, de l'ordinateur à la photocopieuse, de la photocopieuse au téléphone et quand il sonne, elle répond toujours très professionnellement : "oui bonjour, c'est Hélène...".
Elle a toujours des bonnes idées, elle soutient toujours les autres elle laisse des traces de son passage par-ci par-là, elle fait des compliments, glisse des mots gentils, souvent dans l'implicite...
Elle écrit de la main gauche avec cette écriture si particulière, au stylo noir ou au crayon à papier...
Elle invente pleins de petits mots, elle a en elle une tendresse inimitable, elle joue avec des mimiques...
Elle donne des petits surnoms à ceux qu'elle aime bien, elle rend toujours service...
Elle travaille, travaille, travaille... même parfois jusqu'à dix-neuf heures passées... (mais si le lycée fermait plus tard, je suis sûre que parfois elle resterait jusqu’à la nuit profonde !!)
Et il est impossible de lui en vouloir pour quoi que ce soit. On ne peut pas en vouloir à un être aussi adorable qu'elle.

Elle reste tous les mardis soirs dans son antre jusqu'à dix-huit heures trente juste pour me raccompagner... et elle rentre ensuite chez elle dans la nuit, le froid, la pluie, le vent, la neige, les loups ("si, si !! en hiver on en rencontre parfois… !").
Elle est devenue jour après jour une personne (très) chère à mon coeur.
"Moi je n'étais rien et voilà qu'aujourd'hui...".
Elle m'a donné la main pour me sortir du mal-être dans lequel j'étais. En quelques sourires, en quelques mots, en quelques griffonnages, elle a su me donner l'envie de vivre. J'aime vivre à côté d'elle.
C'est pour elle que je me lève chaque matin, pour la voir dans son petit pull gris, pour voir ses yeux pétiller derrière ses petites lunettes, pour son sourire, pour sa voix, pour ses mots.
Elle sait si bien me comprendre, si bien m'écouter.
Elle est la première fois qu'une personne s'intéresse à moi, elle veut connaître mes habitudes, les petits détails de ma vie.
Elle m'a sauvée...
Et c'est elle qui sait me consoler, elle qui sait ce qu'elle doit dire ou faire quand je ne vais pas bien, elle qui connaît les mots qui réchaufferont mon coeur, elle seule sait lire dans mes silences. Elle aime mon incertitude.
Il y a des gens vraiment biens autour de moi, mais c'est elle qui domine mon coeur.
Je n'avais jamais rencontré quelqu'un d'aussi fort et d'aussi fragile à la fois avant elle. Elle se dit brute alors qu'elle peut être si douce.
Elle est l'oiseau qui déploie ses ailes quand rien ne va plus, l'oiseau aux ailes vigoureuses et fortes, mais elle est aussi le petit oiseau fragile dont il faut s'occuper avec beaucoup de précaution et de tendresse, celui qui s'est cogné au nid et qui a besoin d'amour.
"Elle a dû faire toutes les guerres pour être aussi forte aujourd'hui, elle a dû faire toutes les guerres... de la vie... et l'amour aussi".
Elle a construit une forteresse de protection avec ses bras pour nous préserver.
Ce joli petit bout de femme qui mérite tant de bonheur, de plaisir, d'amour, m'a tout appris. Je lui dois tout.
Et même si parfois elle a eu mal, elle me transmet beaucoup de bien-être.
Elle m'a donné et me donne tellement...
Je me demande parfois si quelqu'un saura m'aimer aussi bien qu'elle. Elle est mon idéale. Elle a fait tout ce que je n'aurais jamais osé espérer de quelqu'un.
Elle est fabuleuse.

Je ne vous raconterai pas tout ce qu'elle met en oeuvre au lycée : dès qu'un projet est bien lancé, elle en entame un autre.
Je ne vous dirai pas le temps qu'elle passe avec ses élèves au lieu de rejoindre ses collègues pendant la récréation.
Je n'évoquerai pas son rire qui m'enchante et repousse ma tristesse.
Je ne vous parlerai pas d'elle.